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dimanche 19 août 2012

"Bunker Cities" (documentaire)

La question des murs dans la ville a été au centre d'un documentaire proposé par la chaîne LCP le 12 juin 2012, reprenant le documentaire de Paul Moreira déjà diffusé sur Arte en 2011. Le documentaire interroge à travers le prisme des murs les différentes formes de ségrégations urbaines : ségrégation choisie à travers le phénomène des "gated communities" à Rio de Janeiro et à Toulouse, et ségrégation subie à travers le cas des murs de séparation à Bagdad.


Si le documentaire est annoncé par un discours dramatisant, il est plus nuancé, montrant par exemple les différentes représentations du règlement intérieur d'une "communauté fermée" à Toulouse où Paulette et Christine décrivent ce "club med tous les jours", par des mots bien différents, confrontant le besoin sécuritaire de l'une, et l'étouffement de l'autre quant à une sécurité qui devient contrôle des modes de vie, des jeux des enfants et des mobilités intérieures.

Ce documentaire est intéressant parce que non seulement il parle des murs dans la ville, mais aussi il donne à voir les exemples "emblématiques", ceux qu'affectionnent les médias parce qu'ils sont "parlants", de ce type de murs :
- Toulouse et le quartier du Mirail,
- Rio de Janeiro et la ségrégation gated communities vs favelas,
- Bagdad et les murs de séparation construits par l'armée étatsuniennes entre les quartiers identitaires.

De même, les ouvrages sur les murs abordent systématiquement les mêmes exemples emblématiques (Mur de Berlin, "peacelines" de Belfast, zone démilitarisée entre les deux Corées, muraille de Chine, mur de séparation Israël/Territoires palestiniens, mur-frontière Etats-Unis/Mexique, "berm" du Sahara occidental, murs des enclaves espagnoles de Melilla et Ceuta, ligne verte à Chypre, barrière électrifiée au Cachemire) alors que le géographe Michel Foucher note, dans son ouvrage L'obsession des frontières, bien d'autres exemples : concernant les clôtures-frontières et murs-frontières dotés d'appareils électroniques "redonnant consistance à la barrière frontière supposée produire de la sécurité dans une logique de séparation nette ou de filtrage contrôlé", "si tous les projets annoncés étaient réalisés, s'ajoutant aux barrières existantes - Koweït/Irak, Chypre, Sahara occidental -, la longueur totale de ces clôtures atteindrait près de 18 000 km" (Michel Foucher, 2007, L'obsession des frontières, Perrin, Paris, p. 85). Sans compter les murs-frontières dans les villes.

Les exemples abordés dans les médias pourraient être variés (à titre d'exemples : les murs en béton construits en Roumanie, en Slovaquie, ou encore en Italie pour séparer les quartiers roms du reste des habitants), mais certains lieux et certains murs ont une très forte valeur discursive : ce documentaire témoigne également de cette (re)présentation médiatique du mur-frontière dans la ville.



Résumé par la chaîne LCP :
"Qu'ils soient politiques, religieux ou sociaux, les murs qui barrent l'espace urbain sont symptomatiques d'un conflit. Tandis que les Bagdadiens militent pour la fin de leur enfermement forcé, des sociétés de sécurité privées recyclent les technologies militaires pour équiper les résidences fermées, comparées à des «prisons dorées». Ainsi, à Rio ou à Toulouse, des populations aisées se retranchent dans des résidences sécurisées. De l'autre côté de ces remparts, des ghettos d'un autre genre abritent les plus défavorisés, les favelas à Rio ou le Mirail à Toulouse. Paul Moreira a enquêté sur ce nouvel apartheid urbain."



Présentation par la chaîne Arte :
"De Rio à Toulouse en passant par Bagdad, des murs religieux, politiques ou sociaux divisent la société. Une enquête efficace sur la ségrégation urbaine signée Paul Moreira.

Un peu partout sur la planète, des populations aisées se retranchent dans des résidences sécurisées cernées de hauts grillages ou même de barbelés. De l’autre côté de ces remparts, des ghettos d’un autre genre abritent les plus défavorisés. Au Brésil, Rio de Janeiro offre un exemple manifeste de ce clivage entre deux mondes. La classe moyenne, qui a vu ses revenus décoller, se réfugie dans des condominios – sortes de villages privés gardés par une police armée, et équipés de magasins, de bars, de piscines et de salons de beauté – tandis que les favelas, gangrénées par le trafic de drogue et la guerre des gangs, s’étalent sur les hauteurs. À Toulouse, des dizaines de résidences fermées sont sorties de terre à deux pas du Mirail, un quartier déserté par la police, où la sécurité repose sur une poignée de jeunes de la cité. De son côté, la ville de Bagdad est ceinturée par des kilomètres de murs en béton depuis la décision américaine de séparer les communautés religieuses pour lutter contre le terrorisme."



Présentation par Premières Lignes Télévision :
"Imaginons que, demain, les plus aisés d'entre nous se retranchent dans des villages privés, derrière des enceintes sécurisées… De l'autre côté des murs, vivront les miséreux. Ghettos de riches. Ghettos de pauvres. La ville et la société à deux vitesses représentent sans doute le défi majeur du XXIème siècle.

Science fiction ? Non. Un peu partout sur la planète, ce nouveau mode de vie est déjà en train de surgir.

Dans les mégapoles des pays du Sud, une nouvelle classe moyenne voit ses revenus décoller. En Afrique, en Asie, en Amérique Latine, elle atteint des niveaux de vie comparables à ceux des européens. Mais ces îlots de prospérité n'existent qu'au milieu d'un océan de misère. Alors ils doivent se bunkeriser.

Au Brésil, tous les nouveaux projets urbains sont des condominios, des sortes de villes privées, avec leurs magasins, leurs services, leur police armée, encerclés d'une enceinte infranchissable qui les coupe des bidonvilles. Police privée dans les condominios et pouvoir parallèle des gangs dans les favelas. Car la privatisation de la ville s'accompagne d'un recul de la puissance publique. Deux univers séparés où l'Etat peine à intervenir.

C'est le cas aussi, de plus en plus souvent, en Europe. En France, à Toulouse, des dizaines de résidences sécurisées ont été construites tout près d'un ensemble HLM géant où la police ne met plus les pieds. Dans le quartier « social » du Mirail, la police de proximité a disparu. Elle est remplacée par des « médiateurs », jeunes habitants des cités, qui ramènent au calme les plus chahuteurs. Ceux qui pouvaient se le permettre ont déménagé et se sont installés dans les résidences privées.

Les murs sont le symptôme d'un conflit. Ils peuvent aussi devenir des armes dans les nouvelles guerres urbaines. Un ersatz de paix en béton armé. Ainsi à Bagdad, les Américains ont encerclé des dizaines de quartiers par des barrières de béton. Des centaines de milliers d'Irakiens vivent désormais dans des prisons à ciel ouvert. Officiellement, l'armée américaine a affirmé qu'elle souhaitait offrir aux irakiens le concept de « gated comunities ».

Murs politiques, religieux mais surtout murs sociaux. Les murs évitent d'avoir à réparer les injustices.

Moins l'Etat s'engage pour le bien commun et plus les murs poussent, plus les ghettos se forment, la police se privatise.

20 ans après la chute du grand mur de la guerre froide, des milliers de petits murs strient les villes et les sociétés, évoquant le cauchemar d'un apartheid urbain qui tiendrait lieu de nouveau contrat social.

Le futur a déjà commencé."





Source : Paul Moreira, 2011, Bunker Cities.
Producteurs : Premières Lignes Télévision et Arte France.


Diffusions :
Arte, 27 mars 2012 :
http://www.arte.tv/fr/244,broadcastingNum=1355605,day=4,week=13,year=2012.html

- "Docs ad hoc", LCP / Public Sénat, 1ère diffusion le 12 juin 2012 :
http://www.lcp.fr/emissions/docs-ad-hoc


A noter : Le prochain billet apportera des compléments bibliographiques sur la question des "gated communities", pour dépasser le cadre du reportage.

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