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dimanche 30 mai 2010

Exposition "Les fortifications en presqu'île de Crozon"


L'association "Valoriser les patrimoines militaires" organise une exposition sur Les fortifications en presqu'île de Crozon (déjà exposée l'été dernier à Roscanvel) à la Tour Vauban de Camaret-sur-Mer, jusqu'à la fin du mois de juin 2010.






Présentation de l'exposition par les organisateurs :

"A la demande de la Communauté de communes de la presqu'île de Crozon, notre association a conçu l'exposition "Les fortifications en presqu'île de Crozon" qui est présentée au réduit de la pointe des Espagnols à Roscanvel (Finistère) en juillet et août.


 
Cette exposition, composée de 16 panneaux thématiques, a été ralisée dans le cadre d'un conventionnement avec le Conseil général du Finistère qui fait de l'association "Valoriser les Patrimoines Militaires" un interlocuteur privilégié pour la valorisation du patrimoine fortifié à l'échelle départementale.


 
Le territoire de la presqu'île de Crozon conserve un nombre exceptionnel de fortifications édifiées depuis le Néolithique jusqu'au XXe siècle. Ces ouvrages fortifiés constituent aujourd'hui un très riche patrimoine dont la valorisation est en cours, grâce notamment à une Route des fortifications.

Rassemblant plus d'une centaines de documents, cette exposition présente le patrimoine fortifié de la presqu'île afin de fournir au public les clés pour sa compréhension. Elle accorde une priorité aux données générales qui peuvent être utiles pour la découverte des fortifications dans leur ensemble."



Détails pratiques :
 
Lieu : Tour Vauban de Camaret-sur-Mer (bâtiment en bois au pied de la Tour).

Ouverture : du mardi au dimanche, de 14h à 17h, entrée libre.
Renseignements : 02 98 27 94 22 ou 02 98 27 24 76.

Site de l'association "Valoriser les patrimoines militaires" : http://asso-vpm.over-blog.com/




Exposition "La ville dessinée. Architecture et bande dessinée"


Le 9 juin 2010, s'ouvrira une exposition consacrée à "La ville dessinée. Architecture et bande dessinée" à la Cité de l'architecture et du patrimoine (Palais Chaillot, 1 place du Trocadéro, Paris 16ème arrondissement). L'exposition durera jusqu'au 28 novembre 2010. Elle sera l'occasion de confronter les espaces imaginés et les représentations des espaces réels.


Présentation de l'exposition :
"L’exposition « La ville dessinée », sur 1000 m2, présente au grand public, ou rappelle aux exégètes de la bande dessinée, les relations qu’entretiennent la bande dessinée et l’architecture.

Dès ses origines, la bande dessinée puise dans l’imaginaire que suggèrent les villes une partie de son univers. La ville peut même devenir un personnage à part entière. Rappelons-nous les albums iconiques comme «La Marque jaune» de E.P. Jacobs (1953), où les docks brumeux de Londres sont bien plus qu'un décor.

L’exposition abordera bien des aspects de l’interprétation de la ville dans la bande dessinée. Le propos sera chronologique, du début du XXe siècle à nos jours avec, pour conclure, une présentation de projets spécifiques. Cette chronologie sera interrompue par des références aux métropoles, lieux de tous les imaginaires, comme New-York, Paris ou Tokyo. L’exposition suggérera également les filiations ou affinités entre auteurs de différentes générations.

L’exposition «La ville dessinée» s’attachera à présenter au plus large public ce qu’est aujourd’hui la densité artistique et culturelle de la bande dessinée. Elle valorisera, par un travail scénographique inédit sur la lumière et l’espace, la présentation des oeuvres sous des formats et des supports différents que sont les planches originales, mais également les tableaux, les fresques, les dessins animés, les films, la 3D… Plus de 150 auteurs internationaux et quelque 250 oeuvres contribuent à cette exposition qui se veut également une réflexion sur la période actuelle où la bande dessinée franchit de nouvelles frontières en matière de création.

Dans cette perspective, une commande artistique sera présentée sous la forme d’une installation. Un parcours pour le jeune public sera également aménagé.

Cette exposition est un dialogue entre l’architecture et la bande dessinée. Des maquettes, des esquisses, des projets ou des réalisations de villes, bâtiments publics ou villas, des utopies dessinées par les plus grands architectes rappelleront cette familiarité des imaginaires respectifs.

Afin que le mariage entre l’architecture et la bande dessinée soit pleinement réussi, la Cité a fait le choix de recourir à un double commissariat, en associant Jean-Marc Thévenet, directeur du festival international de la bande dessinée d’Angoulême de 1998 à 2006, à Francis Rambert, directeur de l’Institut français d’architecture."


L'expérience proposée dans cette exposition est prolongée dans le blog Archi & BD ! qui propose une présentation complète de cette exposition et des informations pratiques, mais surtout des entretiens avec des dessinateurs de BD sur le rapport intime de la BD à la ville.

A découvrir (parmi d'autres...) :

  • "La ville comme source d'inspiration pour la BD" par Frédéric Bézian
  • "La bande dessinée, le territoire et l'architecture" par Frédéric Bézian
  • "L'histoire de la bande dessinée et ses rapports avec l'architecture" par Benoît Peeters
  • "La ville et la bande dessinée" par Joe Pinelli




dimanche 23 mai 2010

Festival international du livre militaire


Les écoles de Saint-Cyr Coëtquidan organisent, lors du Triomphe 2010, le Festival international du livre militaire (F.I.L.M.) le samedi 24 juillet 2010. "Ce moment de rencontre et d'échanges sera l'occasion de faire connaître au grand public les livres du domaine militaire et de la sécurité, quelle qu'en soit la nature : histoire militaire, doctrine, traités de géopolitique ou de stratégie, témoignages ou romans, biographies de légendes mais aussi d'hommes et de femmes qui ont accompli leur devoir dans la simplicité d'un héroïsme trop souvent méconnu".




samedi 22 mai 2010

Colloque "Former les soldats au feu"


La maison des sciences de l'homme de Lorraine organise un colloque les 14 et 15 juin 2010 autour de la question "Former les soldats au feu (XIXe - XXIe siècles)". Il se déroulera à l'Université Paul Verlaine de Metz (Campus du Saulcy, salle de séminaire de la MSH Lorraine, 4e étage de l'UFR SHA).


Présentation du colloque par les organisateurs :
Ce colloque est le premier d’une série de quatre, étalés de 2010 à 2013. Ces colloques et journées d’études s’inscrivent dans le cadre du programme "Expériences combattantes du siècle 19e au 21e siècle" ("Expécom19-21") déposé par François Cochet, Professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paul Verlaine-Metz, au sein de la Maison des Sciences de l’homme (MSH) Lorraine. Il s’agit d’un programme international (participation de l’Académie militaire de West Point, de l’université de la Bundeswehr, de l’université de Torun) et pluridisciplinaire, qui doit permettre de mieux cerner les comportements de long terme des combattants face à l’environnement hostile du champ de batailles, à travers les invariants que l’on peut y rencontrer, mais également à travers les nouveautés induites par la technologie des conflits.



La première session du programme prévoit d’approcher les processus de formation des combattants selon trois axes majeurs.
  • Il s’agit d’abord d’envisager les formations théoriques des combattants, tant au niveau des chefs que des exécutants. Si la guerre du général n’est pas celle du fantassin de base, il n’en demeure pas moins que l’un et l’autre participent au même événement et que les deux regards se complètent.
  • De la formation théorique, il convient ensuite de passer aux différentes prises en compte de la réalité du champ de bataille, permettant d’intégrer à la recherche, aussi bien les dimensions de l’expérimentation, du "retour d’expérience" ("retex"), que des adaptations individuelles comme institutionnelles à la guerre vécue.
  • La troisième dimension de ce colloque consiste à prendre en considération la formation des troupes d’élite par rapport aux troupes conventionnelles. Qu’est-ce qu’une troupe d’élite ? Les définitions que l’on peut en donner ne sont-elles pas fluctuantes en fonction des évolutions chronologiques ? Comment les troupes d’élite sont-elles formées et dotées par rapport à des unités conventionnelles ?

Ces problématiques doivent permettre d’éclairer considérablement aussi bien l’amont du combat, que d’amener les intervenants à préparer les thématiques du colloque de 2011, qui portera, pour sa part sur "commander et obéir au feu".


Programme du colloque : à retrouver en format pdf

Lundi 14 juin 2010

9h00 : Ouverture du colloque par les autorités universitaires

Introduction : François Cochet (Université Paul Verlaine-Metz)


1ère séance : La formation théorique des combattants
Président de séance : François Cochet

9h30 : Kenneth Johnson (Académie militaire de West Point)
"La formation des marins français durant les guerres révolutionnaires et impériales"

10h00 : Xavier Boniface (Université du Littoral)
"Le camp du nord et la préparation à la guerre de Crimée, 1854-1856"

Débat et pause

11h00 : Lieutenant-colonel Patrick Rongier (Enseignement Militaire Supérieur Scientifique et Technique – EMSST, Paris)
"L’Ecole Militaire des Cadets de la France Libre en Grande-Bretagne durant la Seconde guerre mondiale (juin 1940-juin 1944)"

11h30 : Andrzej Nieuwasny (Université de Torun)
"La formation de l’armée polonaise après 1919" (titre provisoire)

Débat et pause déjeuner


2ème séance : La formation "sur le tas" ou par transfert de compétences
Président de séance : Xavier Boniface

14h00 : Capitaine Michaël Bourlet (Ecoles militaires de Saint-Cyr Coëtquidan/CREC)
"Le colonel Dupin et la lutte contre la guerilla mexicaine en 1863"

14h30 : Lieutenant-colonel Remy Porte (Ecole militaire)
"Grandes manoeuvres et enseignement à la veille de la Grande Guerre"

15h00 : Jean-Noël Grandhomme (Université de Strasbourg)
"Les instructeurs français dans l’armée roumaine durant la Grande Guerre"

Débat et pause

16h00 : Julie d’Andurain (Université Paris IV)

"Le général Gouraud et l’expérience de la "défense en profondeur" sur le front de Champagne durant la Grande Guerre"

16h30 : Lieutenant-colonel Olivier Lahaie (chef du cours d’histoire des Ecoles de Saint-Cyr-Coëtquidan)

"Le 2e bureau du GQG français et l'étude des nouveaux procédés tactiques allemands, 1916-1918"

17h00 : Philippe Chapleau (Rédacteur en Chef du journal Sud-Ouest, spécialiste des combats de faible intensité)

"Apprentissage et formation à la guerre du bush. La petite guerre en Afrique australe dans le deuxième XXe siècle"

Débat



Mardi 15 juin 2010

3ème séance : Limites et adaptations individuelles et institutionnelles
Président de séance : Lieutenant-colonel Remy Porte

9h00 : Françis Balace (Professeur émérite, Université de Liège)
"Les écoles belges de l’arrière-front, 1914-1918"

9h30 : Hubert Heyriès (Université de Montpellier)
"Des garibaldiens inadaptables de 1915 aux garibaldiens adaptés de 1918"

10h00 : Louis Panel
"L’action de la prévôté en 1914-1918"

Débat et pause

11h00 : François Cochet (Université Paul Verlaine-Metz)
"Le manuel du gradé d’infanterie de 1939 et les combats de mai et juin 1940"

11h30 : André Martel (Professeur émérite, IEP d’Aix en Provence)
"Témoignage d’un appelé et d’un rappelé : 1952-1956"

Débat et pause déjeuner

 

4ème séance : Limites et adaptations individuelles et institutionnelles (suite)
Président de séance : Jean-Noël Grandhomme

14h00 : Jacques Frémeaux (Université de Paris IV-Sorbonne)
"La formation adaptée aux conflits des troupes coloniales"

14h30 : Yves Tremblay (Direction Histoire et Patrimoine, Ministère de la Défense nationale du Canada)
"Formation théorique et rencontre du champ de bataille : les troupes canadiennes de la 2e guerre mondiale"


5ème séance : Troupes d’élite et troupes conventionnelles : des formations spécifiques ?
Président de séance : Jean-Noël Grandhomme

15h00 : André Paul Comor (IEP d’Aix en Provence)
"Le cas de la Légion étrangère"

15h30 : Nicola Labanca (Université de Sienne) et Pierluigi Scolè (Centro interuniversitario di studi e ricerche storico-militari, Turin)
"Les Alpini italiens dans la Première guerre mondiale"

16h00 : Hermann Rumschöttel (Université de Munich)
"La formation de l’Alpenkorps"

16h30 : Pascal le Pautremat (Paris)
"Les forces spéciales aujourd’hui"

Conclusions : François Cochet


jeudi 13 mai 2010

"Ce que la géographie fait au(x) monde(s) ?" (Michel Lussault)


On avait parlé de la journée d'études A quoi sert la géographie ? organisée par Yann Calbérac et Aurélie Delage (tous deux doctorants en géographie) pour la revue Tracés à l'ENS-Lyon le 4 février 2010. Les actes de cette journée d'études seront publiés dans un hors-série de Tracés à l'automne 2010. Parmi les actes, on notera notamment la participation de Paul-David Régnier, spécialiste de géographie militaire, agrégé de géographie et lieutenant-colonel qui fut longtemps à la tête d'un service de géographie dans les Armées. Son témoignage et sa réflexion montrent bien les liens entre le militaire et le géographe.

En attendant cette publication, voici la vidéo (publiée sur le site de La Vie des idées) de la conférence de clôture de cette journée d'études par le géographe Michel Lussault, dans lequel il se propose de questionner ce que la géographie fait au(x) monde(s), en partant du postulat que la dimension spatiale est tellement évidente (dans le sens où elle s'impose aux réalités) que l'on en oublie sa complexité. A travers les crises, la dimension spatiale des sociétés apparaît avec violence (épidémie du SRAS, 11 septembre 2001). Mais, dans le quotidien "ordinaire", beaucoup prônent que cette dimension spatiale des sociétés ne pose pas de problème. Et cette conception tronquée vient de deux types de réduction : la réduction de l'espace à l'étendue (et par là la réduction de la géographie à la question de la localisation) et la réduction de l'espace à sa matérialité. Les géographes ne savent pas seulement localiser et décrire. L'espace n'est pas seulement une projection des phénomènes sociaux. Cette conférence montre avec force d'arguments, contre l'idée d'un espace comme seule réalité matérielle, la complexité des réalités spatiales (pas seulement en temps de crise, et pas seulement sur de "grands" objets géographiques).





mardi 11 mai 2010

La "guerre de guérilla" n'existe pas (Adam Baczko)


Pour cause de rédaction de thèse, le blog Géographie de la ville en guerre est moins alimenté (à grand regret !) ces derniers temps. L'occasion toute trouvée pour accueillir des billets venant de chercheurs, de praticiens et d'étudiants sur les questions de guerre et de ville. Pour inaugurer cette série, voici une contribution d'Adam Baczko qui pose un regard critique sur le concept de "guerre de guérilla". Qu'il soit remercié de sa participation !


Adam Baczko est étudiant à l’EHESS (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales - Paris) et jeune chercheur de l'IRSEM (Institut de recherche stratégique de l'Ecole militaire). Après avoir rédigé un mémoire sur la guerre civile au Sierra Leone au Département de War Studies du King's College London, il s’intéresse plus particulièrement aux questions de stratégies irrégulières, notamment à la manière dont les guérillas et les milices résolvent les contradictions entre leurs cultures stratégiques particulières et les exigences objectives de la guerre qu’examine la théorie stratégique.


"La multiplication des articles, blogs, ouvrages et discussions traitant de la "guerre de guérilla" (ou tout autre utilisation du mot "guérilla" comme un type distinct de guerre) appelle à faire le point sur ce terme. Son utilisation de manière interchangeable avec d’autres concepts diverses montre à quel point le phénomène qu’il décrit est souvent flou pour ceux qui l’emploient. Voici une liste indicative et non exhaustive de concepts souvent utilisés comme synonyme de "guerre de guérilla" :
- Conflit de basse intensité
- Petite guerre
- Guerre non conventionnelle
- Guerre irrégulière
- Violence politique
- Guerre populaire
- Guerre civile
- Guerre interne
- Guerre de partisan
- Insurrection
- Guerre limitée

Le manque de rigueur conceptuel devient gênant quand il devient le moyen de digressions usant des différences de sens pour mettre sous une même étiquette des guerres qui ne se ressemblent pas.

Mon ex-professeur de théorie stratégique, MLR Smith, au département de War Studies au King’s College London nous enseignait, avec raison, ce que Harry Summers a dit avec sa pédagogie habituelle : "A war is a war is a war is a war" ("une guerre est une guerre est une guerre est une guerre"). Si la "guerre de guérilla" est si difficile à définir, c’est qu’elle n’existe pas conceptuellement. La plupart des éléments distinctifs de cet ensemble de guerres dites "irrégulières" ou "non conventionnelles" sont des éléments qui sont présents dans les guerres dites "régulières" et "conventionnelles". L’embuscade est une tactique fréquente dans les "guerres conventionnelles", tandis l’intensité du feu comme le nombre de victime ne sont ni plus bas, ni plus petits, ni plus limités dans ces "guerres de guérillas". De plus, nombreuses sont ces "guerres non-conventionnelles" dont la résolution finale se décide sur des champs de bataille étrangement "conventionnels". Ainsi, la guerre civile en Angola dans les années quatre-vingt se conclut lors d’une bataille de blindés à Cuito-Cuanavale comme la décolonisation indochinoise qui se termine à Dien Bien Phu dans une bataille de tranchées, précédée d’une préparation d’artillerie en bonne et due forme. La plupart des éléments de définition d’une typologie des "guerres de guérilla" cèdent devant un examen approfondi.

Reste l’argument de Stathis Kalyvas dans The logic of violence in civil war, de loin le plus solide : l’absence de front. En effet, les témoignages et les théoriciens qui décrivent cette fluidité des lignes démarcations abondent. On observe néanmoins les mêmes symptômes dans les batailles "conventionnelles". Jamais les fronts ne suivent les superbes cartes d’état-major, qui sont des synthèses de la situation, des tentatives de résumer la situation stratégique de leur armée pour prendre plus efficacement des décisions. Au milieu du bruit et de la fureur de la bataille, les individus perdent leurs repères spatiaux. A l’inverse, les locaux dans les "guerres irrégulières" savent fréquemment qui contrôle quoi, qui est avec qui. Bien qu’elle soit un critère puissant de compréhension d’un certain nombre de guerres, l’absence de front ne suffit pas à distinguer guerres "régulières" et "irrégulières".

En fait, la prégnance actuelle de la distinction régulier/irrégulier s’appuie principalement sur une opposition des images idéal-typiques de la Seconde Guerre mondiale et de certaines guerres de décolonisations qui marquèrent les esprits occidentaux, en particulier l’Algérie et la Malaisie. Elle permet de différencier les guerres que nous comprenons de celles que nous ne comprenons pas. D’une part est l’évidence pour nous du caractère industriel de la guerre moderne, de l’importance de la mobilisation des ressources, de la technique et des compétences ; de l’autre se dévoile notre oubli des passions, de la ténacité et de la ruse. Ces guerres nous désorientent car le vainqueur a été le plus tenace indépendamment de sa force. Ce que révèle ce flou conceptuel dans l'usage du terme de "guérilla", c’est qu’à l’articulation des logiques de raisons et de passions qui gouvernent la guerre se trouve la volonté.

Or, si un paradigme permet d’appréhender le rôle de la volonté et de l’articuler avec celui de la force, c’est bien celui de Clausewitz. En effet il se construit sur une double définition de la guerre comme duel (où la volonté est première) et comme phénomène de nature politique articulée autour d’une "sainte trinité", raison, probabilité/chance et passion. Cette dualité de la nature de la guerre et ces trois moteurs de l’escalade et de la désescalade de la violence sont tous particulièrement observables dans ces guerres dites irrégulières ; ces guerres mêmes que Keegan et Van Creveld, tant cités, désignaient comme non-clausewitziennes. La diversité des guerres n’infirme pas le cadre conceptuel que créa Clausewitz. Au contraire, il confirme que la guerre est un caméléon ; la forme change, la bête reste la même.

Par contre, la guérilla en tant que concept prend tout son sens dès lors qu’elle est comprise comme une stratégie (ou un mouvement qui fait usage d’une telle stratégie). La guérilla est une des manière de penser l’affrontement armé, autrement dit la bataille, le moyen de la stratégie, en se basant sur l’évitement par la dispersion et la dissimulation. Comme moyen du politique, la guérilla est un des modèles d’allocations des ressources disponibles. Elle est une des réponses possibles à la question du comment faire pour vaincre à terme en partant de ma situation stratégique actuelle. C'est-à-dire que, comme toute stratégie, la guérilla est un rapport au temps et à l’espace. Elle se base sur une utilisation de la géographie pour repousser l’affrontement décisif présent en situation d’infériorité pour créer les conditions d’une supériorité dans le futur. Mao parlait de troquer l’espace pour gagner du temps, du temps pour mobiliser des ressources, des ressources pour construire une capacité militaire, une capacité militaire pour vaincre décisivement à terme. Ce sont bien des batailles qui closent la guerre civile chinoise, la guerre de décolonisation indochinoise où la guerre de procuration entre le Nord Vietnam et le Sud-Vietnam.

La logique de la guérilla, on le voit, s’inscrit dans les logiques étiquetées comme conventionnelles. Elle n’est pas une fin en soit. Bien sûr, parfois nul besoin de vaincre l’ennemi ; il s’effondre de lui-même tel le gouvernement cubain face à Castro ; ou il choisit la retraite stratégique à la manière du gouvernement français qui rappelle le contingent d’Algérie. A l’inverse, certaines guérillas se révèlent incapables de construire une force de combat capable de vaincre, tels ces moudjahidin afghans qui ont la prétention d’affirmer qu’ils ont vaincu l’URSS alors qu’il leur fallut pas moins de trois ans pour abattre le faible régime de Najibullah. Un mélange des deux aboutit à ces situations troubles, prolongés, que nous comprenons si peu ; ainsi au Sierra Leone où dix ans de guerres furent la conséquence de l’incompétence stratégique de tous les acteurs engagés. Mais une guérilla compétente qui fait face à un adversaire tenace devra en finir sur le champ de bataille. C’est ce que Mao avait parfaitement compris : la guérilla n'est pas un type de guerre particulier ; c'est une des stratégies à mettre en œuvre dans la guerre.

La guérilla n’est donc pas un type de guerre, c’est une stratégie. Confondre la nature de la guerre et la stratégie d’un acteur c’est s’enlever les moyens de décrire ce qui se passe. Et analyser sans pouvoir décrire, c’est prendre le risque de jargonner sans expliquer. Je terminerai en citant la phrase de mon professeur de théorie stratégique qui finissait son article "Guerilla in the Mist" dont ce billet s’inspire en disant : "In this respect, they [such labels] may not tell you much about strategy, but they do tell you a great deal about strategists" ("D’ailleurs, ils [de telles étiquettes] ne vous disent peut-être pas beaucoup sur la stratégie, mais ils en disent long sur les stratégistes")."



vendredi 7 mai 2010

Les militaires et les géographes


Quelques articles récents rappelent l'intérêt d'une géographie militaire (voir le billet "Histoire de la géographie militaire") tant pour le militaire que pour le géographe. Le géographe Yves Lacoste a pu écrire en 1976 un essai intitulé La géographie, ça sert, d'abord, à faire la guerre, la formule (souvent davantage que le contenu de l'ouvrage !) est devenue célèbre : 5.420 occurences sur Google pour la formulation exacte ! Aujourd'hui, quelques géographes rappelent, à l'instar de Michel Sivignon, que "la guerre, ça sert aussi à faire de la géographie". Quelques réflexions géographiques à (re)découvrir pour comprendre l'intérêt pour les géographes de comprendre les enjeux militaires, et inversement.


"Croquis d'artilleur"
Dans le cadre de la rubrique des Cafés géo "Le dessin du géographe" (qui se propose d'analyser les croquis à caractère géographique), le géographe Michel Sivignon revient sur le cas de croquis de militaires destinés à localiser les positions de l'ennemi lors de l'intervention française dans les guerres balkaniques (1916-1918). Ces dessins nous apprennent quelle était la perception pour les militaires du début du siècle des éléments "fondamentaux" du terrain sur lequel ils intervenaient. Ils sont également porteurs d'un témoignage sur l'aménagement de l'espace rural balkanique au début du XXème siècle. Les archives du Ministère de la Défense sont donc riches en enseignement pour le géographe, comme le montrent les travaux des géographes Philippe Boulanger ou Jean-Yves Puyo.

=> Michel Sivignon, "n°8 : Croquis d'artilleur : la guerre, ça sert aussi à faire de la géographie", Cafés géo, rubrique Les dessins du géographe, 2 mai 2010.



La géographie dans les Armées : le cas du Module Géographie Projetable
La géographie est un outil de renseignement fort utile aux militaires. Et cette géographie appréhendée par le militaire utilise tous les domaines de la discipline (biogéographie, climatologie, hydrologie, géographie politique, géographie culturelle, géographie sociale, démographie...). C'est ce que le géographe Pierre Gentelle montre dans une Lettre de Cassandre, qui analyse le renseignement "milieu" comme pratique d'une géographie de terrain, mais surtout d'une géographie holiste, qui ne procède pas à un découpage par sous-catégories mais détermine toutes les caractéristiques nécessaires pour la réalisation d'une mission. C'est d'ailleurs le sens des travaux des géographes Philippe Boulanger (dans son ouvrage Géographie militaire) et Paul-David Régnier (dans son Dictionnaire de géographie militaire), qui reprennent tout aussi bien des éléments de géographie physique que des éléments de géographie humaine. Voir également une application au cas de Mitrovica : Les opérations militaires en milieu urbain : le cas de Mitrovica (Kosovo) (mémoire de maîtrise, Paris-Sorbonne, juin 2004, 452 p.).

=> Pierre Gentelle, "n°117 : Le Module Géographie Projetable", Cafés géo, rubrique Les Lettres de Cassandre, 2 mai 2010.

A lire, sur le même sujet, le billet de Joseph Henrotin, daté du 21 avril 2010, sur son blog Ahéna et moi, "Parlons géographie... projetable" (pour une approche plus technique de l'utilisation de la géographie dans les Armées).



La base aérienne de théâtre
Un article du géographe Mickaël Aubout, chargé de recherches au CESA (Centre d'études stratégiques aérospatiales) qui prépare une thèse sur le réseau des bases aériennes françaises et a produit un mémoire de géographie sur la base militaire étatsunienne de Manas (Kirghizstan), publié dans le numéro de mars 2010 de la revue Défense nationale "la base aérienne de théâtre". Les travaux de Mickaël Aubout portent sur la notion de réseau, nécessaire à l'opérabilité de l'Armée de l'Air, tant sur le territoire national que sur les théâtres d'opérations. La géographie des bases aériennes permet de comprendre les enjeux de l'approvisionnement des militaires sur des théâtres d'opération, de l'évacuation des ressortissants, de l'appui aérien, mais aussi d'en identifier les faiblesses. Mickaël Aubout a notamment analysé le réseau des bases aériennes dans le cadre de l'intervention en Afghanistan (voir son article "Le réseau des bases aériennes  servant aux opérations en Afghanistan", paru dans la revue Air & Space Power Journal, vol IV, n°3, automne 2008, pp. 73-76).

=> Mickaël Aubout, "La base aérienne de théâtre", Défense nationale, n°3-2010, mars 2010.



2ème édition du Festival de géopolitique et de géoéconomie


Pour sa 2ème édition, le Festival de géopolitique et de géoéconomie aura pour thème "Les atouts de la France dans la mondialisation" et pour pays invité le Maroc (la 1ère édition était consacrée aux "Guerre et intelligence économiques"). Il se déroulera du vendredi 28 mai au dimanche 30 mai 2010 à Grenoble (Ecole de Management, 12 rue Pierre Sémard). Le programme complet est accesible sur le site consacré à ce festival. En attendant le prochain Festival international de Géographie qui se préoccupera des forêts et de la Russie (7-10 octobre 2010, Saint-Dié-des-Vosges).

Parmi les interventions, on notera des tables-rondes sur "Les enjeux français de la guerre économique", "La Marine nationale, sécurité collective et projection de crise", "La France produit-elle ses cartes du monde ?", "La France, sa défense, l'état du monde", "Y a-t-il jamais eu une puissance française ?", parmi d'autres conférences sur la démographie, la société, l'économie, les relations diplomatiques... françaises.

Et également un buffet animé ("Notre table est géopolitique !") et des cafés géopolitiques (notamment un sur "La France vue de …") qui seront complétés d'ateliers et d'un salon du livre géopolitique. Un programme complet qui montre la richesse de l'approche géopolitique, confrontant des universitaires, des entrepreneurs, des militaires, des diplomates...